La création des identités nationales





La création des identités nationales, Europe XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse, Points-Histoire, 1999





résumé de chapitre Identité européenne, p.285

Identité européenne

« Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencés, elle finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. »
Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation?, conférence faite en Sorbonne. 1882

Le recours au vieux patrimoine européen sert l'offensive contre une hégémonie culturelle, actuellement celle de États-Unis. Par exemple dans le domaine de la musique, c'est surtout sous les espèces d'un multiculturalisme de la tradition que s'élabore une forme musicale qui rompt avec les standards de la musique nord-américaine. On assiste déjà à la création d'un nouveau patrimoine identitaire par l'interprétation des composantes nationales. Mais les extrêmes droites nationalistes ont investi elles aussi le legs ancestral (la partie nationaliste de la Ligue du Nord, la guerre des Dacs entre les roumains et les hongrois ou le combat linguistique à propos de l'ex-Yougoslavie).
Les identités nationales sont-elles menacées par la globalisation? Elles ont en tout cas trouvé pour l'instant une nouvelle vitalité grâce au médium planétaire, symbole des changements en cours. Il ne faut pas pourtant oublié que la célébration de la nation sur internet est plus souvent le fait de particuliers que d'organisme officiels ou d'institutions publiques.
La mondialisation a l'image de liquidatrice des nations. La puissance des entreprises multinationales et la mobilité du capital financier restreignent les possibilités de contrôle des États sur la production de richesse et de sa répartition. Les États européens doivent gérer les conséquences sociales de décisions économiques sur lesquelles ils ont de moins en moins prise.
La souveraineté politique procède de la nation, mais l'État dans lequel elle s'inscrit voit sa propre souveraineté restreinte de facto par des agents économiques pour lesquels les frontières territoriaux ne font plus de sens. La nation sous la forme que nous lui connaissons est apparue alors que s'engageait une profonde mutation économique. Elle a été la force de cohésion qui a permis de construire une organisation politique et sociale à la mesure de changements qui ont bouleversé totalement le mode de vie des populations. Que son rôle s'achève au moment où s'engage une autre mutation radicale n'a rien de tragique, à condition qu'une nouvelle force de cohésion vienne le remplacer. Le dépassement historique de la nation ne signifierait d'ailleurs probablement pas plus sa mort que sa construction ne fut destructrice d'autres formations collectives, simplement reléguées à un rôle secondaire.
L'Union européenne édicte des règlements communautaires, instaure sur son territoire la libre circulation des personnes et des biens, émet une monnaie; elle a un parlement et un exécutif. Lui fait en revanche défaut tout ce à quoi correspond la nation: une identité collective, l'attachement à un territoire commun, l'idéal partagé d'une fraternité solidaire. Les européens en état actuel des choses sembles aussi pourvus d'identité nationale que dépourvus d'identité européenne. L'histoire de nos nations montre bien qu'une identité collective se construit, dans un travail lui-même collectif, qui prend appui sur les nouveaux médias de communication. Elle donne une autre leçon, plus importante: la nation a été élaborée en lien avec deux idées alors neuves en Europe: le bonheur et la démocratie. Celles-là ne sont pas obsolètes. L'élaboration d'une identité commune ne fera pas sens si elle n'est pas associée à un véritable projet politique proposant aux ressortissant de l'Union de redevenir acteurs de leurs destins.

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