«La langue reflète la pensée collective d'un groupe.»
B. L. Whorf
«La vérité est que le monde réel est dans une large mesure édifié inconsciemment sur les habitudes de langage du groupe. Pour une bonne part, la manière dont nous accueillons le témoignage de nos sens est déterminé par les habitudes linguistiques de notre milieu, lequel nous prédispose à un certain type d'interprétation.»
Edward SAPIR
Promouvoir et approfondir des relations culturelles avec des États tiers est l'une des fonction majeure d'une mission diplomatique (voir l'art.3 de la convention de Vienne et l'art.151 du traité de Lisbonne) . On peut citer l'exemple de l'ambassade des pays nordiques à Berlin qui dispose d'un bâtiment particulier Falleshus (Berger & Parkinnen) qui a cette fonction culturelle, ou encore l'exemple de l'ambassade française au Liban, où l'Espace des Lettres (ateliers Lion) abrite un théâtre et un centre culturel.
La culture¹ européenne trouve sa richesse dans sa multitude et sa diversité.² De toute évidence, il n'existe pas encore une culture européenne commune, et il est probable qu'elle ne pourrait que difficilement remplacer les cultures nationales et régionales des pays-membres. Peut-on trouver des points communs des différents cultures européennes ou doit-on se contenter avec l'article 22 de la charte européenne des droits fondamentaux qui relate que l'Union respecte la diversité culturelle au sein de l'Union? Une deuxième hypothèse consiste à réinventer des nouvelles bases culturelles pour les citoyens européens, elle devrait alors revendiquer les valeurs définies dans les traités sur l'Union tel que la paix, la coopération, la solidarité, l'innovation, la créativité et le travail.
Dans son livre Le langage silencieux, E. T. Hall constate que lorsqu'on étudie une culture spécifique, il y a une constante continue entre le passé le plus reculé et le présent. Il affirme également que le langage est l'un des points communs dominants dans toutes les cultures.
Parmi les pays membres de l'UE on compte 23 langues officielles différentes, elles trouvent néanmoins leurs origines dans la même familles linguistique: famille indo-européenne. Le fait que les langues des nations européennes appartiennent à la même famille linguistique originaire nous laisse supposer qu'il existent des bases culturelles européennes communes. L'analyse de la perception de l'espace à travers sa description linguistique est un point essentiel pour l'étude ethnologique de E. T. Hall (La dimension cachée, Le langage silencieux) et pour l'analyse linguistique culturelle de B. L. Whorf (Linguistique et Anthropologie).
Les langues européennes modernes sont toutes des dialectes indo-européens présentant une structure de base identique, car historiquement ils provienne de ce qui fut une communauté linguistique. Il convient également que les dialectes modernes ont concourus à l'édification d'une culture commune, et que celle-ci, sous son aspect intellectuel a été déterminé en grande partie par l'infrastructure linguistique du latin et du grec. Il s'ensuit que la communauté des savants modernes européens donnent du monde une description identique, basé sur le système occidental de rationalisation. Quand les langues sémitiques, chinoises ou africaines offrent un contraste marqué avec les langues européennes, la divergence dans l'analyse de l'espace devient plus apparente.
L'univers de la science moderne découle d'une rationalisation systématique de la grammaire de base des langues indo-européenne. La linguistique ne commence pas à la structure des proposition logiques, mais au formes revêtues nécessairement par les sons audibles bruts d'une langage donnée et à certaine expression symbolique de ces formes.
Le mode de pensée des langues indo-européennes est mécaniste, revendiquant la logique comme synonyme de vérité, rendu encore plus rigide et systématisé par Aristote. La culture occidentale s'est livrée, à travers du langage, à une analyse provisoire de la réalité, et en absence de tout correctif, elle tient cette analyse comme définitive. Les seuls correctifs résident dans toutes ces autres langues qui sont parvenues à des analyses provisoires différentes mais également logiques. Chaque langue effectue de façon différente le découpage artificiel du champ de la réalité à travers l'expérience que nous en avons.
Si on prend l'exemple de l'espace et de sa perception, on constate que chaque culture à une expérience spatiale différente. L'étude de Benjamin Lee Whorf (voir les livres Langage, Though and Reality et Linguistique et Anthropologie) démontre qu'il existent des relations entre langage et culture, plus précisément, que chaque langage contribue par une part importante à structurer le monde perceptif de ceux qui la parle.
D'après B. L. Whorf, il est essentiel de comprendre que l'espace à caractère fixe constitue la moule qui façonne une grande partie du comportement humain. Les concepts de temps et d'espace, qui sont des données de l'expérience, ne sont pas dans leur essence exprimés de la même manière par tous les hommes, mais ils dépendent de la nature de la ou des langues qui ont présidés à leurs élaboration (la notion d'espace est liée à celle du mouvement et au delà de l'espace visuel tend vers un espace plus profondément lié aux autres sens). Chaque culture appréhende et décrit l'espace à sa manière, ce qui explique que dans chaque emprunt culturel un élément emprunté doit être adapté par la culture empruntatne.
On peut citer l'exemple de la notion de l'espace sociofuge et sociopète (le premier empêche les personnes d'avoir des contacts sociaux, le deuxième les provoque). Selon la culture précise, un espace sociopète n'est pas plus nécessairement bon que l'espace sociofuge universellement mauvais.
Le fait que les langues européennes trouvent l'origine dans la même famille linguistique nous laisse supposer qu'il existe un monde perceptif proche à toutes les cultures européennes. On aurait toute de même certaines difficultés à démontrer les particularités et les subtilités de la manière dont les peuples indo-européens ont perçu, organisé et vécu l'espace. En revanche, si on inverse un tel raisonnement, on peut envisager qu'un espace, construit et organisé selon des règles simples et précises, peut provoquer une perception et prise de conscience particulière. Cet expérience de l'espace peut être une des bases de la construction d'une culture commune.
Une des spécificités de cette organisation spatiale sera liée à la manière dont on décrit et organise l'espace, avec un vocabulaire précis. Ce vocabulaire est de l'ordre de l'arbitraire mais tout de même basé sur un imaginaire commun, l'indo-européen. Un deuxième attribut de cette spatialité sera la recherche sur son organisation selon des différentes dimensions définies par les relations entre la distance intime, personnelle, sociale et public. La manière de se mouvoir dans l'espace et de le traverser va être un troisième attribut qui définira l'expérience vécue.
¹/ Les anthropologues voient, dans la culture d'un peuple, sa manière de voir, l'ensemble de ses comportements types et de ses attitudes et les choses matérielles qu'elle possède. La culture agit directement et profondément et de manière durable sur le comportement; les mécanismes qui relient l'une aux autres sont souvent inconscients, se situant donc au-delà du contrôle volontaire de l'individu.
E. T. Hall, Le langage silencieux
²/ Le budget de l'UE pour l'an 2011 est de 142 milliards d'euros dont 1,2% (1,693 milliards) sont consacrés pour la partie Citoyenneté, liberté, sécurité et justice (dont 560 millions d'euros seront pour favoriser la culture et la diversité européennes).
³/ carte réalisée par Stéphane Jeanneteau ©, source: hist-europe.fr et euratlas.net
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire